Les problèmes de communication de l’économie sociale et solidaire
On dit souvent qu’en France et en Europe, l’Economie sociale et solidaire est un géant économique mais un nain politique. Un géant économique puisqu’elle salarie 2 millions de personnes dans l’hexagone et qu’elle représente 11,7% du PIB français. Un nain politique parce qu’elle peine à se faire connaître et reconnaître. Les causes sont multiples. Le fait qu’il n’y ait pas de véritable porte-parole de l’ESS peut expliquer ce manque de visibilité et de notoriété.
L’économie sociale et solidaire est confrontée à un véritable problème de communication : trop d’acteurs prennent la parole pour en vanter les mérites, sans qu’aucun ne réussisse à se hisser au rang de représentant du secteur entier dans l’opinion publique. Résultat : un bruit… inaudible !
Je me suis inspiré du principe du tag cloud (ou nuage de mots clés) pour illustrer cette situation. Ci-dessous donc, le tag cloud de l’économie sociale et solidaire constitué des noms des principaux acteurs du secteur dont la taille varie en fonction de leur capacité à se faire entendre et à valoriser les actions de l’ESS.
Bref… une belle nébuleuse dans laquelle on constate que les acteurs de terrain ont du mal à se faire entendre à l’exception peut-être des mutuelles et des banques coopératives, mais qui, à mon sens, ne sont pas spontanément assimilées au secteur de l’ESS par l’opinion publique.
Je me suis prêté à un autre petit jeu pour voir si internet était à l’image de la situation que je viens de décrire avec le tag cloud… Autrement dit, j’ai voulu vérifier si des représentants français de l’ESS prenaient efficacement la parole sur le net et étaient clairement identifiés par Google. J’ai donc lancé des requêtes sur les termes « économie sociale et solidaire » sur Google.fr. J’ai ensuite comparé les résultats obtenus avec ceux d’autres pays occidentaux, en utilisant « économie sociale et solidaire » sur Google.ca (Canada), « third sector » sur Google.uk.co (Royaume-Uni) et « social entrepreneurship » sur Google.com (USA)… Les résultats parlent d’eux-mêmes!
En France, aucun site web d’organisme de l’ESS n’apparaît dans les premiers résultats. Seules les CRESS de Rhône-Alpes et PACA tirent leur épingle du jeu. Mais aucun représentant national… En revanche dans les autres pays, Google a clairement identifié des institutions (le Chantier de l’économie sociale au Québec et le Ministère du Tiers Secteur au Royaume-Uni) ainsi que des groupements et des fondations (Ashoka, Skoll Foundation ou Schwab Foundation aux Etats-Unis). Ce qui révèle que ces acteurs étrangers ont réussi à développer une communication efficace sur internet.
Il est facile de constater. Il est plus compliqué de trouver des solutions à ce problème de communication. Je tenterai cependant de faire quelques propositions afin de remédier à l’absence de structuration dans la prise de parole de l’ESS.
Vu la situation, il est urgent de créer un label “Economie sociale et solidaire” comme l’on fait les producteurs Bio ainsi qu’une plateforme de communication commune réunissant tous les acteurs du secteur (Avise, Ceges, fédérations de l’ESS, universités et grandes écoles…) à l’image de l’Artisanat de France qui a rassemblé ses interprofessions pour communiquer d’une seule voix (via artisanat.info, ou par l’intermédiaire de campagnes télés et d’événements nationaux d’envergure).
Le modèle québécois doit également être une source d’inspiration. Les acteurs de l’économie sociale de la Belle Province communiquent désormais ensemble . Ils ont ainsi lancé economiesocialequebec.ca qui propose de nombreuses ressources sur l’économie sociale locale (annuaire des entreprises, offres d’emplois, informations, etc.).
Suivons ces exemples et imaginons dès maintenant le portail economiesocialeetsolidaire.fr qui serait une porte d’entrée pour les professionnels, les décideurs et le grand-public.
La plateforme de communication à mettre en place devrait également organiser tables rondes, colloques et rencontres thématiques destinés aux entreprises et entrepreneurs sociaux mais aussi à destination du grand-public. Objectif : créer une culture commune et démocratiser l’ESS. Les relations presse seraient bien entendu à mobiliser pour valoriser les initiatives de terrains et informer les médias de façon récurrente. On ne peut se plaindre de l’absence de médiatisation de nos initiatives si on ne sensibilise pas les journalistes !!
Mon propos n’est pas ici de vouloir gommer toutes les particularités des réseaux de l’économie sociale et solidaire en communiquant d’une seule voix mais plutôt de bâtir une stratégie de communication structurée et efficace. En d’autres termes, construire ensemble une communication solidaire, mutualisée et unifiée qui permettrait d’augmenter la visibilité d’un secteur entier et justement d’en faire comprendre toute la richesse et la diversité.